✨ Bonjour, vous lisez Cyberia #051 !
✉️ Contact : @presenceinwired
🎶 Playlist : Cyberia Mix
⬣ FLASH
+ L’écrivain japonais Kenzaburo Oé, auteur du Jeu du siècle et d’Une affaire personnelle et lauréat du prix Nobel de littérature, est mort de vieillesse le 3 mars à l’âge de 88 ans, a annoncé lundi la maison d’édition Kodansha.
⬣ FOCUS
Cinéma. En m’intégrant à une communauté d’otakus passionnés en 2008, je connaissais déjà quelques réalisateurs japonais de films d’animation : Miyazaki, Takahata, Otomo, Kon, Oshii… En revanche, je n’avais jamais entendu parler de Makoto Shinkai, dont le nom revenait parfois sur IRC et sur les blogs. Les convaincus en parlaient comme d’un jeune réalisateur concevant à la main des histoires déchirantes où l’amour est mis à l’épreuve par la distance. Curieux, j’ai donné sa chance à The Voices of a Distant Star, OVA de 25 minutes sur une adolescente en mission aux confins de l’espace, dont les messages mettent des années à parvenir au garçon qu’elle aime. J’y ai trouvé ce qu’on m’avait promis, et vu les prémices du style Shinkai, nourri d’émotions pures et de ciels enchanteurs.
15 ans plus tard, plus personne n’ignore le nom de Makoto Shinkai. Moi qui le voyait encore - à tort ou à raison - comme une curiosité pour otakus sensibles, j’avais été pris de court par le succès de Your Name, en 2016. Comme j’apprends avec le temps, la ruée vers les avant-premières de son nouveau film m’a moins surpris. Sorti le 11 novembre dernier au Japon et attendu en France le 12 avril, Suzume était présenté avant l’heure dans deux cinémas parisiens, les 27 et 28 février. En compétition à la 73e Berlinale, le réalisateur maintenant cinquantenaire n’était qu’à un petit vol de la capitale française et a donc assisté aux deux séances. J’étais à la première, à l’UGC Normandie, joliment décoré pour l’occasion.
Suzume, c’est l’héroïne de ce nouveau long-métrage, une lycéenne du sud du Japon dont la vie tranquille est bouleversée par une rencontre aussi brève que marquante avec un beau garçon. Curieuse de ce que cherche ce mystérieux jeune homme dans son petit village, elle le suit et découvre une porte menant vers un monde onirique, mais dont s’échappent aussi d’énormes vers si lourds qu’ils provoquent des séismes. Pour sceller la menace, le bel inconnu manie une clé qu’il fait tourner dans les serrures en prononçant l’invocation idoine. Un geste qui n’a plus de secret pour celui qui parcourt le Japon à la recherche de ces portes ouvertes sur le désastre.
Notre serrurier itinérant devra cependant vite être secondé : à peine les présentations faites (il s’appelle Sota) qu’il subira une transformation inattendue en… chaise. Il en faut plus à Suzume pour qu’elle s’asseye sur un amour naissant, la lycéenne partira donc à la chasse aux portes avec son compagnon de bois, laissant en plan sa tante et ses études. De prime abord, le mélange annoncé de fantastique, d’amour et d’aventure pourrait sembler convenu, mais Suzume (le film) se distingue par la volonté de son réalisateur de l’ancrer dans un événement bien réel : le tremblement de terre de mars 2011.
Suzume elle-même a été touchée par la catastrophe, d’une manière que vous découvrirez le moment venu. Pas de métaphore ici, la référence est assumée, comme l’a fait remarquer un spectateur lors de la séance de questions-réponses. “Si j’ai montré [le sujet du] séisme de 2011 de manière frontale dans Suzume, c’est parce que 12 ans se sont écoulés depuis”, a expliqué Makoto Shinkai. “J’ai une fille de 12 ans (…) donc je pensais qu’en réalisant un film de divertissement, je pourrais faire le lien entre cette génération de jeunes [qui n’a pas vécu le tremblement de terre ou l’a vécu très jeune] et notre génération”.
Tout dans le film découle de cet événement et de la vulnérabilité inhérente à l’archipel japonais. Y compris, selon Makoto Shinkai, les nombreuses scènes drôles. Car drôle, Suzume l’est souvent. “Dans le fond, il y a une tragédie (…) mais je voulais en même temps faire un film joyeux”, a expliqué le réalisateur. “Quelle que soit la gravité des catastrophes naturelles, les êtres humains continuent à aimer les autres, à rire, à progresser et à grandir, et c’est pour ça que je tenais à ce que le film soit (…) porteur d’espoir”. La chaise qui marche pourrait arracher un sourire au plus déprimé des comptables. Et les rencontres faites par l’héroïne tout au long de son périple sont prétexte à des gags qui font mouche. “Une réponse au malheur par la joie et l’espoir”, a résumé l’animateur de la soirée, très inspiré.
Suzume est-il le meilleur Makoto Shinkai ? A moins qu’une révélation ne se produise devant Voyage vers Agartha (que je n’ai pas vu), la réponse est oui. Malgré des bons moments, son film précédent, Les Enfants du temps, ne m’avait pas pleinement convaincu, la greffe d’intrigues adultes au style Shinkai ne prenant pas. Ici, le réel et le fantastique forment un tout cohérent, au sein duquel le réalisateur déploie sans en faire trop ses thèmes de prédilection, l’amour et la séparation. A rebours des Enfants du temps, l’homme-chaise, trouvaille de la décennie, aide à (presque) neutraliser le pathos sentimental. Les autres personnages sont savoureux, petit chat blanc (et sosie de Kyubey) compris. Visuellement, le résultat en met plein la vue, avec un rouge inquiétant qui change de la palette campagnarde. Mon seul regret ? Aussi joli, soit-il, Suzume n’est pas encore vraiment magique, ses images léchées manquant peut-être d’un peu de chaleur. Ce qui n’en fait pas moins un grand film d’aventure.
💬 Rejoignez le chat entre abonnés avec l’application Substack !
⬣ JOURNAL
+ Atsumi, dessinatrice de mangas, est dans le coma. Koichi, son compagnon, s’en remet à une technologie expérimentale pour entrer en contact avec elle. Ainsi débute Real, adaptation par Kiyoshi Kurosawa d’un roman de Rokuro Inui, encore non traduit. Vu dans le cadre de la programmation “Mondes parallèles” du Forum des images, le film sorti en 2013 explore le monde parallèle de l’esprit, où les visages se brouillent et les couleurs s’évaporent. Disposant d’un budget plus important qu’à l’accoutumée, le réalisateur des Amants sacrifiés s’est fait plaisir sur les effets spéciaux. L’histoire, elle, réserve une sacrée surprise, sans tomber à l’eau.
⬣ BRÈVES
🇯🇵
+ La chaîne BBC Two a diffusé mardi un documentaire consacré à feu Johnny Kitagawa, fondateur de l’agence Johnny & Associates accusé d’agressions sexuelles sur ses jeunes recrues masculines. Le documentaire n’est disponible en streaming qu’outre-Manche, mais un article de BBC News résume son (difficile) contenu.
+ Le groupe Official HIGE DANdism a annulé plusieurs concerts, dont une apparition au festival japonais Summer Sonic fin août, après la découverte d’un polype au niveau des cordes vocales du chanteur Satoshi Fujihara.
+ BABYMETAL s’est plié pour la première fois à l’exercice The First Take, du nom de la chaîne YouTube qui invite des artistes à interpréter une chanson en une prise. Le duo de kawaii metal a chanté une version au piano du morceau Monochrome, présent sur son dernier EP Light and Darkness.
+ KOM_I, ancienne chanteuse de Wednesday Campanella, a annoncé vendredi dans un post Instagram être enceinte. Le bébé est attendu cet été. En attendant, l’artiste réalise, avec son compagnon, un documentaire sur sa vie pendant sa grossesse.
+ Le gouverneur de la préfecture d’Aichi a condamné jeudi le comportement de certains visiteurs du Ghibli Park, ouvert en novembre dernier, qui se sont pris en photo en train de se comporter de manière obscène avec les statues à l’effigie des personnages féminins des films du studio.
🇰🇷
+ La bataille opposant HYBE Corporation et Kakao pour le contrôle de l’agence SM Entertainment (voir Cyberia du 13 février 2023) semble en voie de résolution. Après l’échec de l’OPA lancée par la maison de BTS, le géant des télécoms avait déclenché la sienne mardi, avec un prix par action plus élevé que son concurrent. Dimanche, HYBE a annoncé jeter l’éponge, laissant Kakao devenir à terme actionnaire principal.
+ Le documentaire Netflix Au nom de Dieu : Les Bourreaux de la foi, consacré aux méfaits de quatre sectes sud-coréennes, embarrasse les stars. Des internautes ont notamment découvert que les parents d’un membre du groupe masculin DKZ tenaient un café lié au groupe JMS. Ils ont plaidé l’ignorance et annoncé la fermeture de l’établissement.
+ La police a perquisitionné mardi le logement de l’acteur Yoo Ah-in, dont la carrière est menacée par sa consommation de drogue. Il était d’abord soupçonné de s’être fait prescrire du propofol, un somnifère, à des fins non-médicales, et des tests ont depuis mis en évidence la présence de cannabis, de cocaïne et de kétamine.
+ Les accusations de violences scolaires ne touchent pas que les stars de la K-pop. Le réalisateur de la série Netflix The Glory, Ahn Gil-ho, a présenté ses excuses après avoir été accusé dans un post anonyme d’avoir été violent avec des élèves d’un autre établissement.
🇫🇷
+ Le groupe RADWIMPS, connu pour ses collaborations avec le réalisateur Makoto Shinkai, se produira le 28 mai prochain à l’Elysée Montmartre, à Paris. Les places seront mises en vente mardi à 13 heures. A noter qu’une prévente avait eu lieu samedi.
+ Le festival lyonnais Hallucinations Collectives, prévu du 4 au 10 avril au cinéma Comoedia, continue de dévoiler sa programmation. Shin Ultraman de Shinji Higuchi sera projeté en guise de film d’ouverture, et le film culte de Nobuhiko Obayashi, House, fera partie de la sélection “cabinet de curiosités”.
+ TF1 travaille sur une adaptation en série live de Signé Cat's Eyes, a révélé Le Parisien jeudi. L’animé adapté du manga de Tsukasa Hojo avait été diffusé à la télévision française dans les années 1980. Selon le journal, le tournage n’a pas encore commencé et la chaîne table sur une diffusion à l’automne 2024 “au plus tôt”.
🌐
+ Square Enix n’a pas vendu autant de copies de Forspoken qu’espéré, la faute notamment à des critiques mitigées. Dans un document financier daté de début février et récemment traduit en anglais, le développeur révèle également que d’autres sorties récentes, comme Crisis Core : Final Fantasy VII Reunion ou Live A Live, ont elles aussi déçu.