Vous vous souvenez quand le Japon était heureux d’accueillir les Jeux olympiques ? Je vous assure, c’est bel et bien arrivé, j’étais là ! Pas à Buenos Aires, certes, mais devant mon ordinateur pour savoir si Tokyo allait décrocher l'organisation des JO de 2020. Je me souviens de la joie et des pleurs de la délégation nippone à l’annonce de la nouvelle, et de m’être dit qu’il y aurait sans doute des cérémonies d’ouverture et de clôture super cool, où la pop culture qu’on aime serait mise en avant. C’était avant qu’un certain Covid-19 ne vienne doucher l’enthousiasme dans l’archipel et chez les weebs dans notre genre. Il serait cependant injuste de tout lui mettre sur le dos…
Je ne vais m’attarder ni sur les stades vides, ni sur les athlètes covidés, ni même sur le manque de passion des Japonais pour leurs Jeux. D’abord car ces sujets ne sont pas pour cette newsletter, ensuite car le drama autour des cérémonies est bien assez consternant. La bêtise humaine y tient en effet un rôle plus important que le Covid-19 lui-même. Et si la modeste cérémonie d’ouverture, qui s’est tenue vendredi, a eu ses bons moments (les pictogrammes, Naomi Osaka !), il y a de quoi être triste au vu de ce qui était dans les cartons.
Imaginez donc. La cérémonie d’ouverture est sur le point de commencer. Soudain, la moto rouge de Shotaro Kaneda jaillit dans le nouveau Stade national de Tokyo. Elle tourne autour d’un dôme recouvrant Neo Tokyo avant que la capitale n’émerge dans l’enceinte olympique par la magie du mapping vidéo. Les mots NEO TOKYO 2020, dessinés par le créateur d’Akira Katsuhiro Otomo, sont projetés dans le stade pendant qu’une performance de danse se déploie. Beau programme, n’est-ce pas ? Et ce n’était que le début. Partiellement révélé par l’hebdomadaire japonais Shukan Bunshun, le projet en question a malgré tout été mis au placard. Et sa tête pensante a fini par claquer la porte de l’équipe créative.
Même l’enthousiasme marqué du CIO n’a pas suffi à sauver la cérémonie d’ouverture pensée par la chorégraphe MIKIKO. Il n’y a qu’à dérouler son CV pour comprendre ce qui a été perdu. Responsable des routines de danse de Perfume et BABYMETAL, Mikiko Mizuno dirige également la troupe Elevenplay, dont les performances high-tech sont le fruit d’une collaboration régulière avec l’entreprise Rhizomatiks… laquelle a aussi réalisé de fascinantes performances vidéo pour le compte de Perfume. Vous suivez ? Mon propos est simple : MIKIKO détenait à la fois le talent et le carnet d’adresse pour concevoir un spectacle marquant mêlant musique, danse et technologie. La cérémonie de passage de témoin à Rio, dont une séquence était chorégraphiée par ses soins et mise en musique par Yasutaka Nakata, le producteur de Perfume, l’avait prouvé. Tout était prêt, et pourtant… tout s’est effondré.
Officiellement, la cérémonie d’ouverture version MIKIKO n’a pas survécu au Covid-19 et au report des Jeux. Dans un monde profondément marqué par une interminable pandémie, elle devenait trop ambitieuse, dans l’exécution comme dans l’esprit. Officieusement, MIKIKO aurait mis les voiles après avoir été devancée dans l’ombre par un créatif passé par le puissant géant japonais de la communication Dentsu, Hiroshi Sasaki. Le 23 décembre dernier, la dissolution de la première équipe créative, qui comptait aussi la chanteuse Shiina Ringo, était annoncée. Les JO de Tokyo ont alors commencé à enchaîner les scandales.
Le président du comité d’organisation des Jeux Yoshiro Mori a d’abord scandalisé son monde en évoquant un esprit de compétition inné chez les femmes, responsable à ses yeux de leur trop longues prises de parole en réunion. Il a résisté une semaine avant de démissionner le 12 février. Bombardé directeur artistique des cérémonies d’ouverture et de clôture après l’explosion de la première équipe créative, Hiroshi Sasaki a lui quitté le navire sans tarder après avoir suggéré d’habiller en “Olympig” la célèbre humoriste ronde Naomi Watanabe. C’était un mois plus tard. Quant à Keigo Oyamada, alias Cornelius, embauché pour composer quelques minutes de musique pour la cérémonie d’ouverture, il s’est retiré quelques jours avant les Jeux quand le harcèlement infligé dans sa jeunesse à des camarades handicapés s’est hissé en une des médias. L’exclusion à la veille de la cérémonie de son troisième directeur artistique, l’humoriste Kentaro Kobayashi, pour une mauvaise blague sur l’Holocauste, est venue couronner le tout. Vous avez dit gâchis ? Et encore, je n’ai pas tout cité. Maintenant que vous savez tout, mieux vaut ne pas se morfondre. Espérons plutôt qu’au Japon, des leçons soient tirées de cette débâcle. D’ici, peut-être, la cérémonie de clôture ?
■ LA SEMAINE
Rubrique (à peine) plus courte cette semaine car j’étais en famille ! A ce propos, Arte diffuse le 4 août le film d’animation Miraï, ma petite soeur de Mamoru Hosoda. Plusieurs films de Kenji Mizoguchi sont également disponibles en streaming sur le site de la chaîne. Surveillez vos programmes télé, il y a du Japon partout en ce moment pour cause de Jeux olympiques de TO-TO-TO-TO-TO-TOKYO.
Activision Blizzard est un enfer pour ses employées, selon une enquête menée par l’agence de protection des droits civiques de l’Etat américain de Californie. L’action en justice menée contre la maison de Tony Hawk et Overwatch l’accuse de pratiquer la discrimination envers ses salariées et de les soumettre à un harcèlement sexuel permanent. L’article peut être difficile à lire, mais la réponse de l’entreprise sur les bureaucrates californiens a au moins le mérite d’offrir un vague soulagement comique.
GAINAX empêche la mise en ligne d’une restauration amateure de Daicon III Opening Animation. Mamoru Hosoda a-t-il raison de critiquer les personnages féminins de Hayao Miyazaki ? Le roman The Tatami Galaxy de Tomihiko Morimi, adapté en animé par Masaaki Yuasa, sera disponible en anglais à la rentrée 2022. JYP Entertainment aurait exclu un apprenti à cause d’une relation homosexuelle. Un article de fond : pourquoi le leader nord-coréen Kim Jong-un s’inquiète de l’influence de la K-pop chez les jeunes. Brrr : il y a un fantôme dans les locaux de l’agence des OH MY GIRL ?
■ LE MORCEAU
J’ai décidé d’aller faire un tour du côté des playlists Spotify maintenues par l’équipe du site Korean Indie, et bien m’en a pris. Ma découverte : le petit groupe qui monte BLEE (150 abonnés sur Instagram) et son nouveau morceau Summer’s Way, sorti le 20 juillet. Une douce brise parfaite pour un après-midi d’été, comme son nom l’indique. A suivre.
■ LE LIVRE
Le nouveau one-shot de l’auteur de Chainsaw Man Tatsuki Fujimoto, Look Back, est à lire gratuitement en anglais sur le site Manga Plus de la Shueisha. Sur un peu plus de 140 pages, le mangaka raconte l’histoire de la rencontre de deux adolescentes passionnées de dessin et de leur collaboration, avec ses hauts et ses bas, et l’impensable qui survient sans crier gare. Ses confrères auteurs, comme Inio Asano, adorent. L’oeuvre aura droit à une sortie physique le 3 septembre au Japon.
■ LA VIDÉO
La marque japonaise de barres énergétiques CalorieMate a mis les petits plats dans les grands pour sa dernière publicité animée en s’offrant plus d’une quinzaine d’animateurs. La vidéo d’une durée de deux minutes, dans laquelle des lycéens donnent tout pour leur sport favori sur fond de Covid-19, donnerait presque envie d’être enthousiaste pour les Jeux olympiques de Tokyo.
■ L’OBJET
Mettre les pieds au Japon ? Compliqué. Mettre le Japon à vos pieds ? Possible. Il faudra d’abord réussir à mettre la main sur les Nike Air Force 1 Matsuri. Riche en couleurs et en motifs, la paire entend reproduire l’esprit des matsuri, les festivals traditionnels japonais. La date de sortie est à confirmer.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
📽️ Cinq films du réalisateur Koji Fukada sont à voir en salles cet été, dont trois reprises et deux inédits : c’est L’été Fukada. Après Hospitalité, sorti fin mai, Le Soupir des vagues arrive en salles le 4 août. A noter : Suis-moi, je te fuis et Fuis-moi, je te suis sont repoussés à 2022.
Dans les salles de cinéma
🎨 Encore deux semaines pour aller voir l’exposition Voyage sur la route du Kisokaido : de Hiroshige à Kuniyoshi au musée Cernuschi. Sont rassemblées près de 150 estampes japonaises qui sont autant de vues de la route dite du Kisokaido, qui reliait Tokyo (encore appelée Edo) et Kyoto à l’époque Tokugawa. La prolongation court jusqu’au dimanche 8 août.
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
📷 En complément, 22 photos de Daido Moriyama prises à Paris et Tokyo sont exposées en plein air au parc des Rives de Seine. L’accrochage dure jusqu’au 22 août.
Quai des Célestins, 75004 Paris
🎨 Le Centre culturel coréen à Paris propose une exposition gratuite qui devrait ravir les amoureux des livres. Intitulée Minhwa “Chaekgeori... de la beauté des livres”, elle rassemble les oeuvres d’artistes contemporains inspirés des natures mortes de style chaekgeori, centrées sur les livres et l’écriture. A voir jusqu’au 10 septembre.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
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C’était Cyberia N°#002. A samedi !
@presenceinwired
Photo : France Olympique/Tokyo 2020 - Cérémonie d'ouverture - 23 juillet/©CNOSF/KMSP/CC BY-NC-ND 2.0